Les Cornes d'Ivoire - Afirik

TITRE : Les Cornes d’Ivoire
Tome 1 – Afirik
AUTEUR : Lorris Murail
EDITIONS : Pocket Jeunesse

Résumé

Dans le futur, des Maîtres noirs règnent sur les deux continents, l'Afirik en plein essor et l'ancienne Europe, aujourd'hui dévastée par les épidémies. Des bateaux conduisent en Afirik, par dizaines de milliers, des esclaves blancs, ceux qu'on nomme les Cornes d'ivoire. Du lointain passé, la jeune Mari ne sait pas grand-chose. Esclave dans une plantation de Kassamansa, elle rêve d'en apprendre davantage sur le pays mythique de ses ancêtres. Leur langue s'est perdue et, de leurs traditions et croyances, il ne subsiste que quelques rites obscurs. Même si Mari partage la vie de ses frères dans le village blanc, elle fait figure de privilégiée. Compagne de jeu et souffre-douleur de la petite Lisha, elle est admise dans la somptueuse demeure de ses Maîtres noirs. Un drame va faire basculer sa vie...

Mon avis

Les Cornes d’Ivoire est un récit qui se dit dystopique dans le sens où le futur est bien différent de ce que nous vivons aujourd’hui. Mais il me semble que le terme d'Uchronie serait plus approprié. En effet, dans ce roman, la peste a sévi en Europe, éradiquant non seulement les hommes, les femmes et les enfants mais aussi ce qui ont fait d’eux une nation civilisée. Contrairement à notre Histoire, ici, la Peste n’a pas pu être endiguée et ce sont les hommes du continent africain (d’ailleurs l’Afrique se nomme Afirik) qui sont venus en Europe afin de faire le commerce de chair : l’esclavage ! A présent, les terres du Nord sont devenues trop sauvages, les foyers de peste bien trop dangereux pour que des bateaux poursuivent ce commerce. En terre d’Afirik, les esclaves ont la peau blanche. Ils sont méprisés, font les tâches ingrates (les champs, les mines, etc…), insultés (la blanchaille, face de babouin, etc…). Leur espérance de vie est guère élevée.

Le récit se concentre sur Mari, une jeune esclave de 16 ans dont la vie est divisée entre sa famille (sa mère et son père car ses deux frères ont été envoyés bien loin) et la maison de son Maître où elle s’occupe de la fille cadette, Lisha, une gamine capricieuse, agaçante mais dont le récit dévoilera une autre facette de sa personnalité. Suite à plusieurs malheurs, mauvais concours de circonstance, Mari sera chassé de chez son maître et remise sur le marché de l’esclavage. Elle fera des rencontres qui l’éclaireront sur ses origines. Tous les « maîtres noirs » ne sont pas foncièrement mauvais et tous ne sont pas pour l’esclavage.

J’ai trouvé ce roman jeunesse très intéressant. Le thème de l’esclavage est abordé de sorte à ce que tout le monde puisse s’y retrouver. L’esclavage n’a pas de couleur, l’esclavage n’a pas de d’ancre, l’esclavage est une histoire nous concernant tous ! Un simple petit fait historique peut changer toute une Histoire ! On est témoin de l’injustice (pendaison, punition, maltraitance). Tout est repris à l’identique selon notre Histoire hormis que ce sont ici les Hommes à la peau noire et l’Afirik qui règnent en maître, et les Hommes blancs, les terres du nord et outre-Atlantique, qui sont les sauvages. On retrouve des objets du XVIIIème ou religieux tels que la croix du Christ ou la médaille de Mari. En guise d’anecdote, les Maîtres pensent que les blancs sont des sauvages et des cannibales car ils mangeaient le corps de leur Dieu (lors de la messe, les chrétiens mangent le corps du Christ). Chez les esclaves blancs, le passé a été effacé. Il en reste des bribes, des récits contés au coin du feu, des chants dont plus personne ne se souvient.

Concernant l’écriture, elle est aussi bien adaptée aux Jeunes Adultes qu’aux Adultes car le thème évoqué touche toutes les tranches d’âge. J’aurais peut-être apprécié moins de description et plus d’actions mais au vue de la fin du tome 1, je pense que la suite comblera ce manque. D’ors et déjà, on sent que Mari a gagné en maturité et en courage. Je suis curieuse de connaître ce qu’elle peut encore nous offrir !

Extrait :
« Quand elle rouvrit les yeux, Mari sut que plusieurs heures d’étaient écoulées. La plupart des Cornes d’Ivoire sommeillaient, donnant un concert de ronflements. Elle regretta de s’être éveillée, chercha à se rendormir aussitôt. Mais Martin, auprès d’elle, était agité. Quelque chose la troublait, dont elle ne parvenait pas à déterminer l’origine. Sans même s’en rendre compte, elle serrait le poing, à la recherche de ce qui lui manquait.
Une absence. La pièce. Alarmée, Mari se tourna de côté, fouillant la paille du bout des doigts. Sa main, sans doute, s’était relâchée tandis qu’elle dormait. La pièce de Lisha devait se trouver là, contre sa hanche, contre sa cuisse, sous sa fesse. Même dans la pénombre, elle aurait dû briller. »

EMPRUNTE A